L’orthoptiste, un être d’émotion

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Prenons une situation somme toute banale, qui peut se produire au cours d’une soirée, d’un dîner avec des gens que vous ne connaissez pas :

     - «  Et toi, tu fais quoi dans la vie ? »

Ma réponse l’est un peu moins :

    - «  Je suis orthoptiste ! »

Et là, il y a 2 réponses possibles :

            Option A :  «  OrthoQUOI ? »

            Option B : « Ah oui je connais c’est un kiné pour les yeux ! »

Passionnée que je suis par ma profession, je ne peux accepter ni la méconnaissance ni les idées préconçus sur ce fabuleux métier (en toute objectivité bien sûr). Alors c’est partie, voici la (ma) définition d’une d’orthoptiste.

                      

      D’après le Larousse, l’orthoptie est une « Spécialité paramédicale ayant pour but d'évaluer et de mesurer les déviations oculaires, puis d'assurer la rééducation des yeux en cas de troubles de la vision binoculaire : strabisme, hétérophorie (déviation des axes visuels) ou insuffisance de convergence »….ouais pas très explicite tout ça.

    Dans les faits, l’orthoptiste peut réaliser pleiiiiins d’examens complémentaires (appelés explorations fonctionnelles dans le jargon) spécifiquement dans le domaine de l’ophtalmologie, mais aussi aider les patients à se mettre le doigt dans l’œil (dans le but de porter des lentilles de contact bien sur), ou bien suivre et rééduquer les petits bouts de choux strabiques, ou encore les visions doubles (non éthyliques bien sur). Et tout cela est très passionnant : de comprendre les différents problèmes des patients, de pouvoir y remédier, de les aider. Vous allez me dire : « OK pour le côté passionnant du job, mais pour les émotions ? C’est pas le tout de mettre un titre à un article, faudrait que le contenu suive ! »  

    Comme dans toutes les professions, les émotions ressenties sont….comment dire…hétérogènes ! Y a du bon, y a du moins bon. Quelques exemples de moins bon :

       - l’opthalmo qui vous demande 3 examens de 20 minutes chacun à réaliser TOUS dans le quart-d’heure qui suit 

         - la secrétaire qui vous demande «  Tu peux m’aider s’il te plait ? J’ai un petit souci mais je n’ose pas déranger le médecin… ». Oui c’est sur, moi je suis orthoptiste, je cueille des fraises toute la journée !!

         - et j’en passe….

        Pour ce qui est du meilleur, je crois que c’est la principale raison pour laquelle je fais ce métier, car j’ai souvent eu l’occasion d’être bouleversée par des patients. Certes le meilleur est peut être plus rare que le moins bon (on va pas se mentir, je ne travaille pas au pays des Bisounours), mais il est tellement plus fort.

  • Imaginez une femme de 40-45 ans atteinte d’une maladie neurologique  venant pour un examen, et qui donne l’impression de gérer sa pathologie comme elle gère un rendez-vous professionnel, c’est-à-dire une étape dans son emploi du temps avant le retour à une vie normale. Ça s’appelle le déni, dans son cas je pense que c’était pour montrer à ces enfants qu’elle était là pour eux malgré tout, pour ne pas qu’ils s’inquiètent. J’ai discuté quelques minutes avec cette patiente, je lui ai expliqué les tests que j’allais lui faire, que j’étais là pour m’occuper d’elle, pour essayer qu’elle aille mieux ensuite. A la fin des examens (45 minutes tout au plus), elle a éclaté en sanglots, elle a craqué, s’est mise à pleurer, et m’a confié sa difficultés à se battre, à tout gérer…Tant de mal être et de souffrance refoulés ne peuvent que touchés. Etre orthoptiste c’est aussi savoir écouter, et faire preuve d’empathie, pour aider quelqu’un à se libérer d’un tourment. Quand elle est repartie, elle semblait un peu apaisée d’avoir déversé son fardeau. 
  • Autre exemple, un homme de 55 ans vient me voir car il voit double en raison d’une tumeur cérébrale. Il enchaine les séances de chimiothérapie, c’est dur, c’est fatiguant mais il est volontaire et se bat tous les jours. Je fais ce que je peux pour le soulager, et lui propose une solution temporaire pour supprimer cette satanée diplopie qui lui rend la vie encore plus difficile. Après que je lui ai exposé les tenants et les aboutissants du traitement, il me met la main sur l’épaule, et en me regardant droit dans les yeux me dit : « Merci madame, vous êtes humaine ». Je n’ai pas su quoi dire tellement ces mots m’ont bouleversés. Ces mots étaient une leçon de vie : c’est lui qui luttait contre sa maladie, sans rien dire, sans se plaindre. C’est presque moi qui aurais dû le remercier pour cet exemple de courage. Et pourtant non ! Sans que je m’y attende alors que je faisais simplement mon métier, il me remercie. Etre orthoptiste, c’est toucher quelqu’un qui vous touche à son tour.

                

  • Dernier exemple, il y a quelques jours, je rassurais un gamin de 5 ans, sur ses capacités d’apprentissage et d’assimilation à l’école en dépit de son strabisme et ses lunettes. Mes explications terminées, l’enfant retourne jouer, sa mère avait quant à elle les larmes aux yeux, sensible au réconfort que j’essayais d’apporter à son fils. Etre orthoptiste, c’est aussi soutenir les proches de nos patients.

 

Je crois que la démonstration est faite que les orthoptistes sont bien plus que des « kiné des yeux ». Etre orthoptiste, c’est aider les personnes qui souffrent, avec nos moyens, à notre niveau, et parfois être surpris du soulagement et du bien-être qu’on leur apporte, des émotions positives qu’on leur procure et qu’il nous renvoie en retour, en miroir

                                  

 

Publié dans Orthoptie

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